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Quand on crée de la musique, on entend forcément parler du droit d’auteur. Malheureusement, on ne retient pas forcément tout de ces conversations, comme c’est un sujet juridique et administratif aux airs complexes qu’on préfère éviter.
Il est malgré tout essentiel que tu comprennes comment ça marche pour bénéficier de ce précieux moyen de rémunération sans flou, sans stress, avec maîtrise.
Ça tombe bien, le droit d’auteur est la mission de Bridger : non seulement nous les collectons pour les créateurs de musique, mais nous souhaitons surtout te rendre cette démarche aussi claire que de l’eau de roche. Pour t’éviter des lectures interminables à ce propos sur d’obscurs sites web, on t’explique tout.
Notre programme sur le droit d’auteur = un cours d’histoire + une anecdote avec Super Groupe + un portrait des organismes qui le gère. L’idée est que tu saches pourquoi ça existe, comment ça fonctionne et si tu peux en bénéficier. Prêt ? Let’s jam !
Le droit d’auteur est le droit d’autoriser ou d’interdire l’exploitation de son œuvre. C'est le moment d’ouvrir ton cahier d’histoire et d’attraper ton stylo-plume. Pour t’assurer un 20/20, on va faire simple et se concentrer sur la musique en France.
On est obligé de te parler un peu littérature, historiquement le premier secteur culturel concerné par le droit d’auteur comme il est le premier bousculé par une nouvelle technologie qui transforme sa création, diffusion et consommation - l’imprimerie. À son apparition au 18è siècle, alors qu’on considère encore que toute initiative créative est le fruit de Dieu, les auteurs sont peu valorisés et finalement, ce sont les imprimeurs-éditeurs qui bénéficient le plus de l’imprimerie. Pour distribuer un ouvrage, ils achètent une œuvre originale à son auteur, puis fabriquent les livres et gardent pour eux la totalité des chiffres de vente. Un système simple, basique, mais plutôt injuste.
La situation change grâce à la Révolution française, la chute de popularité de l’Église et l’apparition de pensées humanistes. Résultat, l’individu est désormais à l’origine des créations artistiques. Et l’Assemblée nationale publie un décret en 1793 qui mentionne le droit d’auteur, avec deux notions importantes comme elles existent encore aujourd’hui :
1) L’autorité morale des auteurs sur leurs œuvres : seuls eux décident si leur création peut être diffusée et dans quelles conditions, pour s’assurer que leur intention de base est respectée (on parle d’intégrité de l’œuvre) ;
2) La propriété patrimoniale où ils ont l’exclusivité économique sur l’exploitation de leur art sur une durée déterminée, avant qu’il ne tombe dans le domaine public où il peut être exploité sans autorisation ni rémunération de l’auteur.
Ce décret concerne aussi les auteurs de musique et les lieux de concerts doivent obtenir leur accord et les rémunérer pour jouer leurs œuvres. Les auteurs peuvent céder ce droit à un éditeur - la personne qui promeut leur création - mais il leur revient par défaut à partir du moment où ils créent leur œuvre. L’enjeu est alors de penser à signer et dater sa feuille de musique !
On fait un saut vers 1847, quand un compositeur du nom de Ernest Bourget s’énerve dans un bar où il assiste à une interprétation de sa musique alors qu’il n’en avait pas donné l’accord. Pour signifier son agacement au gérant, il quitte les lieux en mode resto-basket : pour lui, le coût de sa commande vaut l’ambiance que son morceau met au bistrot. Il poursuit ensuite le bar en justice, gagne le procès, puis poursuit d’autres lieux qui font jouer sa musique et gagne encore, à la surprise générale.
Quand Ernest réalise qu’il ne peut pas surveiller tous les cafés-concerts de France à la fois, il a l’idée de cadrer cette nouvelle activité avec d’autres acteurs de la création et de la diffusion musicale. Ensemble, ils fondent le Syndicat des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (future SACEM dont on te précise les contours plus bas) dont le principe est de faire équipe pour mieux défendre le droit d’auteur, alors que le nombre de lieux de concerts augmente vite dans les années 1850s.
Un bon siècle plus tard et après l’apparition du disque, de la radio, de la télévision, le droit d’auteur en France préserve à peu près le même fonctionnement, avec un événement important en 1992, la publication du Code de Propriété Intellectuelle (CPI). C’est LE texte qui contient toutes les lois encore d’actualité à propos du droit d’auteur, on rentre dans son détail juste après.
Les droits d’auteur apparaissent un peu après les technologies qui permettent de reproduire et diffuser des œuvres à des échelles de plus en plus importantes. Ces textes encadrent les nouveaux moyens de créer, partager et consommer les produits culturels, de façon à protéger tous les acteurs de la chaîne. Le droit d’auteur apparaît en 1793 avec les idées humanistes de la Révolution française et fait partie du Code de la Propriété Intellectuelle depuis 1992.
Déjà, le cadre légal. Comme évoqué, en 1793 on touchait déjà à deux sujets du droit d’auteur encore d’actualité dans le CPI : les droits moraux et les droits patrimoniaux. Aujourd’hui, ça ressemble à ça :
Le droit moral permet à l’auteur de revendiquer la paternité de son œuvre via quatre privilèges :
On dit aussi que le droit moral est 1) perpétuel comme il ne s’arrête jamais et est transmis aux héritiers quand l’auteur meurt ; 2) inaliénable comme il ne peut pas être vendu à des tiers (un contrat qui dit le contraire n’est pas valide) ; 3) imprescriptible comme l’auteur peut décider d’y avoir recours quand il le souhaite (un temps mort ne justifie pas qu’on lui retire).
Ensuite, le droit patrimonial. On te conseille de suivre attentivement cette partie comme elle englobe les mécaniques qui rémunèrent les auteurs, ou les autres ayants droits à qui il les aurait cédés :
La durée du droit patrimonial qui était de 14 à 21 ans à sa codification en 1793, est passée à 70 ans en 1992. Si les auteurs ont désigné des héritiers à leurs droits, la gestion de l'œuvre dépend de leurs droits moraux ; s’il y a plusieurs auteurs, c’est le décès du dernier auteur qui compte (après, la musique entre dans le domaine public).
Le droit d’auteur protège les créateurs d’une œuvre musicale et cumule le droit moral qui dure toute la vie + le droit patrimonial qui dure 70 ans après la mort de l’ayant-droit. Le droit moral permet à l’auteur de revendiquer la paternité de son œuvre (sortie, crédits, reprise…) et le droit patrimonial permet de récupérer de l’argent quand sa musique est reproduite ou performée.
On t’en parlait déjà ici, mais ça ne fait pas de mal de rappeler la loi du CPI qui précise le droit d’auteur : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial »
Cet extrait du CPI veut dire que les auteurs de la composition et des paroles d’un morceau sont protégés par ce texte dès qu’ils l’ont créé. Il n’y a donc pas de démarche à faire, mais pour être sûr d’être protégé en cas de pépin, il est bon de penser à dater ses créations. Cette démarche peut être officialisée par différents moyens, dont ces quelques exemples :
D’après le droit français, le droit d’auteur est le droit des créateurs. Il couvre ceux qui contribuent à la composition a.k.a. les compositeurs + ceux qui contribuent aux paroles a.k.a. les auteurs paroliers.
Pour te faire voir la lumière, on te propose de parler d’un groupe imaginaire qui te ressemble peut-être, Le Super Groupe, composé de quatre personnes :
Pour faire simple, disons que Super Groupe touche 100€ de droits d’auteur et qu’ils ont décidé que auteurs et compositeurs font 50-50 sur l’enveloppe. D’après leur rôle respectif, Amin l’unique auteur parolier obtient 50€, tandis que Leïla et Antoine ont 25€ chacun pour leur taf commun de compositeurs. Comme Jamie ne participe ni à l’écriture des paroles, ni à la composition du morceau, il est le seul membre de Super Groupe à ne pas toucher de droits d’auteur.
Attention, les trois autres doivent se déclarer co-auteurs d’une œuvre de collaboration via l’un des moyens de dépôt cités ci-dessus pour bénéficier de ces droits. Pour ça, il leur suffit de préciser les rôles de chacun et de signer leurs noms. Si tout le monde fait un peu de tout, pas de panique, la démarche est la même, c’est juste que dans le droit on parlera d'œuvre collective.
Comme Jamie menace de quitter Super Groupe pour cause de non-respect de son talent de batteur, ils décident ensemble de chercher un éditeur qu’ils finissent par trouver - Pascal. (Pour ceux qui n’en ont pas, on précise ici ce qu’est un éditeur de musique).
C’est pratique parce que Pascal s'occupe de tout : il déclare leurs droits d’auteur, et les administre. Bref, Pascal réconcilie le groupe qui est bien content de ne plus avoir à gérer cette paperasse. Ceci dit, son travail coûte à Super Groupe, puisqu’un éditeur récupère les droits d’auteur en échange de leur administration (on parle de cessation). C’est une option intéressante pour Super Groupe parce qu’il est en passe de commercialiser son premier album et projette de gagner pas mal d’argent vu la tournée annoncée à travers la France et même la Belgique.
Les compositeurs de morceaux et les auteurs de paroles sont les premiers protégés et rémunérés par le droit d’auteur. Le droit existe dès qu’une œuvre est créée, mais pour officialiser sa naissance et les rôles de chacun, il faut faire une démarche auprès d’organismes dédiés comme l’INPI ou la SACEM. Il est recommandé de s’arranger entre membres d’un groupe pour s’assurer que chacun y trouve son compte. Il est aussi possible de céder ses droits à un éditeur qui gère ses questions pour le(s) créateur(s) de musique.
Tu te souviens d’Ernest Bourget qui crée le Syndicat des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique ? Son idée est d’organiser ces acteurs du secteur pour faire respecter les droits d'auteur qu’on t’a listés juste avant, dès qu’un morceau est diffusé ou joué dans un but commercial. Elle était à priori très bonne, puisque les organismes de gestion collective des droits d’auteur (OGC) existent encore.
En France, la plus connue et ancienne OGC en musique est la Sacem. Elle est aussi implémentée au Luxembourg et a des équivalents dans tous les pays d’Europe, comme la Sabam et la Samu en Belgique ou Suisa en Suisse. D’autres existent en France et chacune à sa spécialité, comme la Société des auteurs et éditeurs de musique (SEAM) et la Société pour l'administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs (SDRM).
Leur mission est de gérer les droits patrimoniaux que leurs membres leur confient, dans l’intérêt des créateurs de musique et autres ayants droits. Ça signifie que les ayants droits transmettent leur droit exclusif d’autoriser (ou interdire) la reproduction (streaming, téléchargement légal, CD) et les différentes diffusions (tv, radio, concert) de leurs œuvres à leur OGC. L’idée, c’est de vous remonter vos droits d’auteur partout où votre musique est jouée. Ça vaut donc le coup d’y adhérer seulement si vous êtes dans le même cas que Super Groupe, où votre son est mis en vente et largement diffusé.
Il existe aussi de nouveaux acteurs comme Bridger, les Entités de Gestion Indépendantes (EGI). Contrairement aux OGC et leur système d’adhésion, on ne se concentre que sur les plateformes de streaming et il n’y a pas de frais d'inscription ni de cotisation annuelle, juste une commission de 10% sur vos gains. Ainsi, Pascal n’a pas à courir après les plateformes comme Spotify ou YouTube qui remontent Super Groupe en playlist !
Il est possible de céder ses droits patrimoniaux à un Organisme de Gestion Collective des droits d’auteur moyennant frais d’adhésion et commission ajustée aux supports et durées de diffusion de sa musique, ou en s’inscrivant gratuitement à une Entité de Gestion Indépendante comme Bridger avec une commission fixe de 10% sur ses gains en streaming.
Le droit d’auteur apparaît en France en 1793 et encadre, à l’origine, les nouveaux moyens de créer, partager et consommer les produits culturels pour protéger leurs créateurs. Depuis 1992 et son ajout au Code de la Propriété Intellectuelle, il protège et rémunère les auteurs-compositeurs d’une œuvre musicale, en cumulant le droit moral et le droit patrimonial. Les droits d’auteur sont collectés et reversés par des Entités de gestion indépendante comme Bridger ou des Organismes de gestion collective.