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En toute confidentialité, sache que la rémunération pour copie privée n’est pas le sujet le plus excitant dans la création de musique. Tu te demandes sans doute ce que c’est si tu es né après 1995 comme c’est un principe un poil désuet, grosso modo né en même temps que les cassettes vierges ! Ceci dit, c’est potentiellement une ligne de plus dans tes revenus en tant que créateur et il est donc bon d’être au courant.
L’objectif de cet article, c’est de t’expliquer pourquoi cette aide existe et qui en bénéficie, d’où provient cette somme, qui la répartit et comment elle est partagée.
Après cette lecture, promis, ce système malheureusement obscur, qui a pourtant comme bel objectif de profiter à tous les créateurs de produits culturels, n’aura plus de secret pour toi ! On est prêt ? 1-2-3 Let’s jam.
Ce qu’il faut comprendre quand on aborde la question de la copie privée, c’est qu’on se limite à un cadre très précis de la reproduction de tes œuvres. Ici, on se parle de la situation d’une personne qui copie des produits culturels qu’elle a acquis légalement et qu’elle reproduit uniquement pour son usage personnel. Ces deux conditions - l’achat licite et la diffusion non-commerciale - sont essentielles pour déterminer qu’on est dans une situation de copie privée. Par exemple, télécharger de la musique achetée sur une plateforme sur son disque dur, c’est de la copie privée.
Ça ne t’aura pas échappé : ce qui définit aussi cette pratique, c’est qu’elle est gratuite pour le consommateur. En effet, comme la copie privée est un usage complexe (pour ne pas dire impossible) à détecter par les organisations qui collectent les droits d’auteur, elle échappe à la protection prévue par le Code sur la Propriété Intellectuelle (CPI). Résultat, les créateurs ne bénéficient pas des droits d’auteur associés à leur titre copié. (Si tu as besoin de te rafraîchir la mémoire sur les principes de base des droits d’auteur, on a écrit un super article à ce propos).
Pas d’inquiétude, c’est justement là qu’intervient la rémunération pour copie privée et on va tout t’expliquer.
Dans le jargon des droits musicaux et pour les raisons que l’on te donnait à l’instant, la copie privée est décrite comme une exception au droit d’auteur. La bonne nouvelle, c’est que la rémunération pour copie privée a été créée pour corriger cette exception.
C’est donc logiquement que dans le droit français, ce soit le texte sur les droits d’auteur qui cadre cette mécanique. Ces bénéficiaires sont précisément indiqués par l’article L311-1 du CPI : « Les auteurs et les artistes-interprètes des oeuvres fixées sur phonogrammes ou vidéogrammes, ainsi que les producteurs de ces phonogrammes ou vidéogrammes, ont droit à une rémunération au titre de la reproduction desdites oeuvres, réalisée à partir d'une source licite. »
De nombreux cas de figure sont possibles pour déterminer qui profite de ce droit. Entre autres, un auteur peut écrire et la composition et/ou les paroles de l'œuvre, tandis que plusieurs auteurs peuvent partager et la responsabilité de la composition et/ou des paroles. Il est aussi tout à fait possible d’être à la fois auteur et artiste-interprète, ou encore de s’auto-produire et de porter les trois casquettes en même temps.
Tous les rôles sont cumulables, donc tous les droits attachés à chaque fonction le sont aussi. Si tu additionnes les positions, tu touches plusieurs rémunérations pour copie privée sonore. Donc l’important quand on est plusieurs à créer de la musique, c’est de s’accorder sur qui bosse sur quoi, afin de créditer chacun pour son travail sans mauvaise surprise.
La rémunération pour copie privée compense les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs qui ne peuvent pas être protégés par le droit d’auteur quand leurs œuvres sonores sont reproduites par des personnes pour leur usage personnel.
Afin de financer cette mécanique, un montant est prélevé à l’achat de tous les produits qui permettent de reproduire de la musique. La somme de ces prélèvements est collectée auprès des fabricants et importateurs de supports d’enregistrement analogiques et numériques, permettant la copie d’œuvres, installés en France. Sont par exemple concernés les smartphones, tablettes, disques durs externes et clés USB.
La loi est adaptée en réaction aux changements des usages des consommateurs et les législateurs envisagent de la collecter aussi auprès des services du Cloud. Ceci dit, la question du passage vers le numérique (de la cassette vierge au streaming pour traduire grossièrement la tendance observée depuis la création du système) est déjà adressée par l’inclusion des téléphones et ordinateurs.
Pour te donner une idée, la rémunération pour copie privée représente 1,43% du coût d’un iPhone 11 avec 256 Go (le montant de ce prélèvement est basé sur le prix d’achat et la capacité de stockage de l’outil) et si on cumule les parts que représentent les smartphones et les tablettes sur la totalité collecté par Copie France, on arrive à 70% de la somme.
C’est la société Copie France qui centralise ces revenus. Elle distribue ensuite la somme auprès des Organismes de Gestion Collectives (OGC) et des Entités de Gestion Indépendantes (EGI) comme Bridger de divers secteurs culturels qui eux-mêmes diffusent la redevance auprès des ayants-droits. Il est donc nécessaire que tu sois membre d’un OGC comme la SACEM ou la SDRM pour toucher ta part de rémunération sur la copie privée sonore.
On te parlait déjà de leur fonctionnement basique dans un article, on te le récapitule rapidement ici si tu n’as pas le temps de le relire. Les OGC et les EGI marchent à quelques détails près de la même manière : tu t’inscris en payant des droits d’adhésion, elle collecte tes droits d’auteur (dont l’exception à ce droit aka la rémunération pour copie privée) et prend une commission ajustée selon les supports et temps de diffusion de tes titres. Ce qui peut varier d’une structure à l’autre, c’est la part de leur commission et que tu leur règles une cotisation annuelle ou non en plus du reste.
Maintenant que tu y vois plus clair sur le contexte, on t’explique comment ça marche concrètement.
Avant toute chose, il faut savoir que cette répartition est déterminée par l’article L.311-7 du CPI. Ça signifie que la règle qu’il nous indique ne change pas, elle ne dépend pas des organismes qui la distribuent : « La rémunération pour copie privée des phonogrammes bénéficie, pour moitié, aux auteurs au sens du présent code, pour un quart, aux artistes-interprètes et, pour un quart, aux producteurs. »
Afin de te donner une idée de ce que ça représente, Copie France avait 156 427 480 d’euros à répartir pour rémunérer la copie privée sonore au cours de 2020 ! Afin de respecter le texte, l’organisme confie sa cagnotte aux OGC qui doivent faire preuve de procédés élaborés pour 1° identifier les créateurs dont les titres sont copiés et 2° distribuer 75% aux créateurs dont 50% aux auteurs + 25% aux artistes-interprètes + 25% aux producteurs. Ils s’occupent aussi de gérer les 25% restants, légalement tenus de financer des opérations de soutiens à la création culturelle et artistique.
Pour y arriver, les OGC se fient à des sondages commandés par Copie France, qui estiment comment les œuvres sont copiées, et à l’analyse des diffusions à la radio ainsi que des ventes de disques des six derniers mois. À partir de ces informations, ils ont de quoi estimer qui peut bénéficier de la rémunération à la copie privée et à quelle hauteur.
Pour illustrer la logique : en 2017, la SACEM explique qu’elle part du constat que 18% des copies sont réalisées via la radio et que les autres 82% sont issues de disques. Donc, au sein du quart de la rémunération pour copie privée sonore destiné aux artistes-interprètes, 18% compense les artistes diffusés à la radio et 82% reviennent à ceux qui vendent des disques.
Les trois-quarts de l’enveloppe globale sont attribués aux créateurs, parmi lesquels la moitié revient aux auteurs, l’autre moitié aux artistes-interprètes et aux producteurs. Au sein de ces 3 catégories, les OGC compensent les créateurs les plus diffusés car ils partent du principe que ce sont aussi les plus copiés.
La rémunération pour copie privée compense les créateurs dont les oeuvres sont reproduites pour un usage personnel, par des auditeurs qui les ont acquises légalement. Cette somme est collectée par Copie France. Pour en bénéficier, tu dois être membre d’une Entité de gestion indépendante comme Bridger, ou d’un Organisme de gestion collective comme la SACEM.