Temps de lecture : 5 min
Spotify a démarré 2022 sous les critiques de nombreux artistes dont Neil Young qui a carrément retiré sa musique du site. Parmi ses raisons : la trop maigre rémunération des interprètes de musique, tandis que Spotify investit lourdement dans la production de podcasts. Cependant quand on y regarde de près, la réalité économique du streaming n’est pas si simple. Cet article t’aide à construire ton propre avis sur la question.
Avant toute chose, il est bon de rappeler rapidement les origines du désormais mastodonte du marché du stream musical. À la base, Spotify débarque en 2008 dans une industrie de la musique ravagée par l’interruption du digitale, des échanges de mp3 entre particuliers et de la chute critique des ventes de CDs. C’est une des seules alternatives au piratage gratuit et à l’achat de CDs pour les passionné/es qui cherchent à écouter un morceau précis.
Résultat, l’offre d’abonnement de Spotify cartonne, des services similaires émergent et en 2019, le chiffre d’affaires de l’industrie de la musique augmente enfin de 5,4% par rapport à 2018, alors qu’il était jusque-là toujours en baisse. Aujourd’hui, Spotify a plus de 164 millions d’abonnés à travers plus de 180 pays. En bref, même si Spotify n’est pas une source de revenus assez importante pour permettre aux artistes de gagner leur vie, c’est désormais un outil populaire pour les artistes qui souhaitent créer du lien en ligne avec leur audience, auparavant quasi inexistant. .
Spotify est né en 2008, dans un contexte économique particulièrement mauvais dans l’industrie musicale. C’est alors une des seules alternatives au piratage gratuit et à l’achat de CDs pour les passionné/es qui cherchent à écouter un morceau précis, d’où son succès rapide et massif avec +164 millions d’abonnés dans +180 pays aujourd’hui.
L’entreprise génère ses revenus par le coût de ses abonnements payants et par les publicités qu’elle diffuse dans le cadre de ses abonnements gratuits. Tous les mois, elle garde environ 30% du total collecté, un montant pas sorti du chapeau correspondant à la marge qu'emportaient les acteurs de la grande distribution à l’époque pré-digitale, les très gros disquaires comme la Fnac et Virgin.
Ensuite, Spotify distribue le reste à ses partenaires : les maisons de disque, les distributeurs digitaux, les Organismes de Gestion Collective (OGC) de chaque pays et les Entités de Gestion Indépendante (EGI) comme Bridger. En France, l’OGC partenaire est la Sacem qui prend 12-15% au nom des auteur/es, compositeur/es et éditeur/es. On t’explique tout dans un article sur les droits d’auteur.
Puis les royalties restant reviennent aux artistes, mais passent auparavant entre les mains des maisons de disque quand ils en font partie, selon la part d’écoute que chaque ayant droit représente sur le total dans son territoire. Exemple : si Universal fait 38% des écoutes au mois de février en France, Universal récupère 38% des royalties générés via Spotify en février dans le pays, après le passage de la Sacem et de la commission de la plateforme. Et c’est là que réside le flou, on ne sait pas ce que précisent les contrats signés entre les artistes et leurs maisons de disques.
En bref, l'argent généré par Spotify est un pot commun réparti entre les frais de Spotify, les droits d'auteur et les droits voisins. Ces derniers sont versés selon les parts de marché des majors et des distributeurs digitaux.
Spotify garde 30% des revenus générés sur son site, en donne 12-15% à la Sacem qui les redistribue auprès de ses adhérents, puis le reste aux distribs et aux labels d’après le pourcentage d’écoute que les artistes qu’ils représentent cumulent sur le territoire français. Ces derniers distribuent ensuite les revenus à leurs artistes selon les contrats signés avec eux.
Comme il existe une infinité de contrats, il n’y a pas de méthode de calcul imparable pour déterminer combien un artiste gagne en moyenne par stream sur Spotify. Ceci dit, plusieurs geeks s’y sont essayés en cumulant autant d’infos que possible, notamment en demandant directement à des artistes de leur donner leurs résultats et en extrapolant ces infos par pays. Résultat donné par le blog The Trichordist à partir de leurs données de 2019-20 : une écoute rapporte en moyenne 0,00348$ soit 0,0030 centimes d’euros.
Une certitude soulevée par ce petit montant et confirmée par plusieurs études à propos de toutes les plateformes, pas seulement Spotify : le streaming n’est pas un moyen de gagner sa vie en tant que musicien. Pour illustrer, les études internationales menées par Alpha Data America aux US et Aepo Artists en Europe en 2019, révèlent que 90% des artistes gagnent moins de 1 000 euros par an et ce même quand leurs titres ont été joués jusqu’à 10 000 fois ; et seulement 1% gagne un SMIC avec les streams.
Finalement, ces extrêmes sont similaires aux inégalités entre artistes #1 dans les tops et les moins connu/es avant le stream, ce qui est logique quand on sait que le modèle économique de Spotify est construit sur celui de l’industrie musicale pré-digitale. En effet, la distribution des revenus au prorata favorise les volumes d’écoute, donc les majors, donc les plus gros artistes par défaut. Avec ce système, même les frais d’abonnés français qui n’écoutent qu’un groupe niche de hardcore metal norvégien sans label, arrivent dans les poches des artistes les plus streamés, à savoir Jul sur 2021 en France. Cependant, comme le groupe norvégien stream sa musique via un distrib et sans label, il touche 100% de ses royalties liés aux droits voisins selon la part d’écoute que représente son distributeur digital en France, ainsi que les droits d’auteur collectés par la Sacem ou Bridger. Pas selon son nombre d’abonnés en France, donc.
C’est pour cela que d’autres sites de streaming, notamment SoundCloud qui l’a déjà mis en place et Deezer qui souhaiterait le faire, proposent un modèle de financement customer-centric, où les artistes récupèrent les royalties générées par leurs écoutes dans l’absolu, sans que ça soit calculé par rapport au % de temps d’écoute qu’ils représentent dans leur pays. Problème, cette idée neuve doit encore faire ses preuves et démontrer par les chiffres qu’elle est plus avantageuse pour les nouvelles et nouveaux artistes.
Conclusion, mieux vaut envisager Spotify comme un outil 100% promotionnel qui sert à installer son image en ligne, séduire son audience en y partageant des news et des messages. Pour vivre de sa musique, il existe des moyens plus efficaces comme la synchro en ligne, ou encore la vente de tickets de concert et de merch.
Des études de 2019-20 estiment que la rémunération moyenne d’un artiste par titre streamé sur Spotify est de 0,0030 centimes d’euros. Mais ça dépend des contrats signés entre artistes et labels ou entre distrib et artistes. En tout cas le streaming est un outil promotionnel et mieux vaut privilégier d’autres sources de revenus comme la synchro en ligne et les lives.
Spotify keeps 30% of the revenues generated on its site, gives about 12-15% to the CMOs/PROs/MROs which redistribute them to their members, then gives the rest to the distributors and labels according to the percentage of listening that the artists they represent accumulate on specific territories. The latter then distribute the revenues to their artists according to the contracts signed with them.